En un siècle, nous avons perdu plus de deux heures de sommeil par nuit. Alors que dans les années soixante, une nuit de sommeil moyenne comportait environ huit à huit heures trente, la population dormirait aujourd’hui moins de sept heures par nuit, voire moins de six heures parfois. Certains rognent volontairement sur leurs heures de sommeil par des sorties, du travail tardif, un agenda surchargé ou encore des soirées scotchés devant un écran de télévision ou d’ordinateur. D’autres aimeraient dormir plus mais souffrent de troubles du sommeil rongés par le stress et les problèmes, les abus d’alcool ou de caféine, des repas trop lourds et/ou trop riches en graisses, tant de facteurs qui contribuent à détériorer la qualité du sommeil. Il est encore plus inquiétant de constater que cette diminution du nombre d’heures de sommeil concerne également les enfants et touche toutes les populations du monde.

De très nombreuses études de grande envergure portant sur des milliers d’enfants montrent qu’il existe une relation dose-réponse entre le nombre d’heures de sommeil et l’obésité.

Une méta-analyse montre en effet qu’un enfant qui ne dort pas suffisamment présente un risque d’obésité augmenté de 58%. Ce risque atteint 92 % chez les enfants qui ont la durée de sommeil la plus courte. Le lien est encore plus marqué chez les garçons.

Chez l’adulte aussi le lien est évident, même si la relation n’est pas aussi linéaire.

En moyenne, un adulte a besoin de sept à huit heures de sommeil par nuit. Les besoins sont évidemment variables d’une personne à l’autre. Certains se contenteront de quatre heures alors que d’autres auront besoin de dix heures pour récupérer. Physiologiquement, il semble que notre organisme ait besoin d’au moins six heures pour être reposé et qu’en revanche dormir plus de neuf heures soit inutile.

Notre corps fonctionne comme une batterie. Lorsque la batterie de votre téléphone portable est rechargée à 100%, la laisser sur secteur ne la fera pas se recharger à plus de 100%.

A chacun son rythme, à chacun ses besoins. Certains aiment paresser dans leur lit pour le plaisir, d’autres ont une dette de sommeil si importante qu’une plus longue récupération sera peut-être nécessaire. Une façon efficace d’estimer vos besoins de sommeil est de compter le nombre d’heures de sommeil dont vous avez besoin en vacances. Faites l’exercice après quelques jours de récupération, sans réveil et en allant dormir lorsque vous vous sentez fatigué(e).

Apprenez à vous observer pour savoir si votre sommeil est suffisant et/ou efficace. Etes-vous fatigué(e), voire épuisé(e) ? Etes-vous capables de rester concentré(e) et attentif(ve) ? Connaissez-vous des épisodes de somnolence durant la journée ?

Dormir est une activité qui a de nombreuses fonctions. Outre le fait de se reposer, le sommeil est, entre autres, nécessaire pour apprendre de nouvelles choses, mémoriser, reproduire et réparer nos cellules, pour le développement du cerveau, le système immunitaire, l’humeur, la stimulation hormonale et le contrôle de bien d’autres systèmes de notre organisme.

Il est aujourd’hui très clair qu’une réduction du nombre d’heures de sommeil a des conséquences importantes sur notre santé en général. Elle affaiblit notre système immunitaire, augmente les marqueurs inflammatoires, favorise les dépressions, l’hypertension, le diabète, les dyslipidémies (dérégulation du cholestérol, des triglycérides…) et les troubles cardiovasculaires, dérègle la synthèse de certaines hormones (la testostérone par exemple, diminuant ainsi la libido) et modifie nos comportements alimentaires en renforçant notre attirance pour des aliments à forte densité calorique, principalement des aliments gras et sucrés. Plusieurs études rapportent même un lien significatif entre manque de sommeil (volontaire ou involontaire) et mortalité supérieure, vraisemblablement en partie à cause des conséquences du manque de sommeil que nous venons de citer (diabète, obésité, hypertension etc…) mais aussi du manque de sommeil en lui-même.

Remarquons que la relation entre manque de sommeil et obésité peut s’observer dans les deux sens. En effet, une personne obèse a un risque augmenté d’apnées du sommeil, elles-mêmes associées à un risque augmenté de diabète et de syndrome métabolique.

Mais attardons-nous sur les multiples liens qui existent entre sommeil d’une part et surpoids ou obésité d’autre part.

Sommeil et systèmes métaboliques et endocriniens

La privation de sommeil a des effets sur les systèmes métaboliques et endocriniens. Les deux conséquences les plus marquantes sont sans nul doute l’altération du métabolisme glucidique menant à une intolérance au glucose et, à terme, à une augmentation de la masse grasse et l’altération de la pression sanguine qui se marque par de l’hypertension. Il ne faut, en effet, que quatre nuits consécutives de 4h30 de sommeil pour que les cellules graisseuses répondent 30% moins bien à l’insuline. Un tel déficit suffit pour que le corps se mette en état pré-diabétique, ce qui aboutira bien sûr à une prise de poids. L’auteur de l’étude qui a mis ces éléments en évidence affirme qu’une telle dette de sommeil équivaut à un vieillissement métabolique de vingt ans sur des sujets jeunes.


Sommeil et augmentation de l’appétit

« Qui dort dîne » prend tout son sens… Un manque de sommeil provoque une baisse de la sécrétion de leptine, l’hormone de la satiété, avec pour conséquence une augmentation de l’appétit et, par ailleurs, une hausse de la ghreline, hormone orexigène (qui fait manger plus). En corollaire, on observe une augmentation de la faim et de l’appétit. Deux nuits de 4 heures suffisent pour faire monter la ghreline de 18%. Des nuits courtes sont donc orexigènes. A l’inverse, deux nuits de 10 heures chacune augmente la leptine de 28%. Dormir est donc anorexigène (fait manger moins). La dette de sommeil induit également une réduction de la dépense énergétique. Sans compter que la fatigue au lever encourage à rester au lit, à se lever « last minute » et sauter le petit déjeuner. Ces comportements favoriseront des grignotages plus tard dans la journée qui sont souvent de très mauvaise qualité nutritionnelle. Il devient alors aisé de comprendre que la balance bascule en faveur du surpoids.


Sommeil et risque d’inflammation

Une privation des phases de sommeil profond 3 et 4 (ondes lentes) est associée à une augmentation des marqueurs (cytokines) pro-inflammatoires et donc à une inflammation de bas grade. Or nous l’avons vu, derrière le surpoids et l’obésité se cache souvent une inflammation de bas-grade. En outre, cette privation provoque toute une série de modifications hormonales touchant, entre autres, l’hormone de croissance.


Sommeil et expression des gènes liés à l’obésité

Un sommeil plus court fournit un environnement plus permissif pour l’expression des gènes liés à l’obésité. On a ainsi observé que chez des jumeaux qui dorment moins de 7 heures, les influences génétiques représentent 70% des différences d’IMC alors que chez ceux qui dorment plus de 9 heures, les facteurs génétiques ne sont impliqués que pour 32% des variations de poids.


Sommeil et masse grasse

Une dette de sommeil de 60 à 90 minutes réduit la masse musculaire et favorise donc une augmentation de la masse graisseuse.


Sommeil et activité physique

Bouger pour mieux dormir, mieux récupérer et avoir plus d’énergie ? C’est la réalité. Voici le mode d’emploi.

Jusqu’à présent, on vous a souvent présenté le cortisol de façon peu flatteuse. Mais en réalité, le cortisol est indispensable pour avoir de l’énergie. C’est en excès, libéré de façon chronique à cause du stress qu’il devient problématique. Il est normalement sécrété le matin et diminue progressivement au cours de la journée, au profit de la mélatonine, notre hormone du sommeil.

Pratiquer un sport le matin (vers 7h) permet de mieux faire redescendre le cortisol en fin de journée, et donc de mieux faire monter la mélatonine. Ainsi, les personnes qui pratiquent un sport le matin passent beaucoup plus de temps dans les phases de sommeil profond qui sont donc les phases les plus réparatrices.

Par contre, pratiquer un sport peu avant l’endormissement augmente la température du corps et favorise la sécrétion d’adrénaline, ce qui entrave un endormissement rapide et un bon sommeil. Si ce n’est pas possible de s’entraîner le matin, pratiquez une activité sportive dans la journée, au moins 3 heures avant l’endormissement, ou prévoyez une activité de faible intensité (marche non rapide, yoga, stretching,…) en fin de journée.

  • Nathaniel Watson, “Sleep Duration and Body Mass Index in Twins: A Gene-Environment Interaction”, American Academy of Sleep Medecine, May 2012
  • Mattew Brady, “Impaired Insulin Signaling in Human Adipocytes After Experimental Sleep Restriction: A Randomized, Crossover Study”, Ann Intern Med. 16 October 2012;157(8):549-557

Pour aller plus loin :

Une nuit comporte en moyenne 3 à 5 cycles de sommeil d’une durée d’environ 90 minutes. Chacun de ces cycles comporte 5 phases :

Le stade 1 représente la somnolence. C’est le stade d’endormissement. Durant cette période, vous allez bâiller, être moins vigilant, bouger plus lentement et observer une réduction du rythme cardiaque. Cette phase de somnolence peut avoir lieu le jour, on parle alors de somnolence diurne et ce phénomène est souvent associé à l’obésité. Idéalement, cette phase ne devrait pas durer plus de 20 minutes.

Le stade 2 représente la moitié du temps de sommeil et est appelé sommeil léger. Beaucoup pensent ne pas dormir durant cette phase car ils sont encore connectés au monde extérieur.

Les stades 3 et 4 constituent les phases de sommeil profond. On distingue ces deux phases car lors du stade 3 une petite activité musculaire peut encore exister. Par contre, les mouvements oculaires sont quasi inexistants car l’activité électrique du cerveau n’est pas très importante. Ces phases de sommeil sont essentielles car les activités métabolique et anabolique internes sont importantes. C’est par exemple durant ces phases que l’hormone de croissance va être produite. Or les personnes obèses ont des niveaux en hormone de croissance inférieurs aux personnes de poids normal. Inversement, un traitement à l’hormone de croissance (à dose physiologique administrée dans des situations médicales bien précises) réduit la masse grasse, principalement celle qui se stocke au niveau de l’abdomen. C’est durant les stades 3 et 4 que les privations de sommeil vont le plus conduire à une diminution de la sensibilité à l’insuline et à un risque augmenté de diabète de type 2.

Le 5e stade est celui du sommeil paradoxal. Il doit son nom au paradoxe qui existe entre l’activité électrique du cerveau qui est très importante (avec également des mouvements oculaires importants) alors que le corps est totalement immobile, comme paralysé. La majorité de nos rêves se produisent durant cette phase de sommeil. Il représente environ 20 à 25% de notre sommeil et survient dans chacun de ces cycles de 90 minutes. Cependant, la durée de ce cycle est courte en début de nuit et s’allonge à chaque cycle. Le sommeil paradoxal est donc court dans le premier cycle et constitue la majorité du dernier cycle.

En pratique :

  • Je retiens que le sommeil est avant tout une question de qualité, même si bien sûr le nombre d’heures de sommeil a aussi de l’importance
  • Je veille à avoir une bonne literie avec un bon matelas, un bon oreiller, un bon sommier
  • Je vérifie que la température de la chambre à coucher ne dépasse pas 18°C
  • J’évite les bains très chauds avant d’aller me coucher. Ils font monter la température du corps alors qu’elle devrait légèrement baisser pour favoriser un bon sommeil
  • J’instaure le calme pour une meilleure qualité de sommeil
  • Je recherche la plus grande obscurité afin de favoriser la synthèse de la mélatonine. Je peux, si nécessaire, ajouter des doublures occultantes à mes tentures, voire installer des volets si je suis sensible à la luminosité.
  • Dans le même ordre d’idée, j’évite, en soirée, jusque 1h30 avant le coucher, les expositions à tout type d’écran ou à la lumière vive. Ce n’est donc pas le meilleur moment pour regarder la télévision, travailler ou jouer sur l’ordinateur. Toute exposition à ce type de lumière maintient éveillé en modifiant la sécrétion de mélatonine et retarde l’endormissement,
  • Je m’expose à la lumière du jour, idéalement avant 9h du matin,
  • Je pratique mon sport de préférence le matin tôt, éventuellement en journée, mais certainement pas le soir, ou alors une activité très relaxante comme le yoga ou un peu de marche.
  • J’écoute les signaux de mon corps. Si je bâille, si je suis fatigué, si mes paupières tombent ou que mes yeux picotent… je vais me coucher au risque de rater le train du sommeil. Je dors le nombre d’heures que mon corps me réclame.
  • J’évite les excitants (café, thé, colas, …) dès 14h si j’y suis très sensible.
  • J’évite l’alcool. Même s’il favorise l’endormissement, il perturbe le sommeil profond, rend le sommeil plus superficiel, favorise les insomnies et les maux de tête ainsi qu’une déshydratation (transpiration, bouche sèche,…). Les effets indésirables se font sentir jusque dans les premières heures de la matinée. Alcool et performance ne font pas bon ménage.
  • A partir de 16 heures, j’ai une alimentation favorable à la synthèse de la sérotonine et de la mélatonine, à savoir une collation et un repas du soir riches en glucides (mais à faible IG) > en savoir plus
  • J’évite les protéines animales au repas du soir et favorise les glucides et protéines végétales.
  • J’évite les repas trop riches en graisses qui perturbent la digestion et ne contribuent pas à un sommeil réparateur.
  • Si nécessaire, je m’aide de plantes qui ont fait leurs preuves comme le pavot de Californie (aussi appelé Escholtzia) qui est un sédatif et un anxiolytique naturel qui permet de traiter les troubles du sommeil, mais aussi la passiflore ou la valériane en infusion ou en comprimés.
  • Je demande conseil à mon médecin afin qu’il prescrive éventuellement de la mélatonine en forme simple ou retard, à l’heure du coucher.

Extrait du livre : « les erreurs qui vous empêchent de Maigrir »